Luk Kreung – L’essence du melting pot culturel en Thaïlande
De nombreux théoriciens culturels se sont intéressés aux relations entretenues par les farang vis-à-vis de l’identité nationale thaïe, la “Thaï-itée”. Ils posent comme principe de base le fait que depuis les années 50 et jusqu’à ce début de XXIème siècle, les influences étrangères ont joué et jouent un rôle de plus en plus important dans la manière dont se forge l’identité thaïe. Les enfants métisses, les luk kreung, comme on les appelle ici, sont devenu le symbole de la façon dont interagissent les cultures thaïe et occidentales.
Culture,
Les mariages entre thaïs et occidentaux, tout comme les luk kreung, sont entrés dans les mœurs depuis l’ère Ayutthaya. Cependant, ce n’est que depuis l’après guerre du Vietnam qu’ils se sont démocraties et sont devenus part intégrante de la culture thaïe.
Avant les deux dernières décennies du siècle passée, les mariages interraciaux’ ne concernaient que très peu de personnes. Ils se produisaient essentiellement entre personnes à l’avant-garde des contacts et échanges culturels, par exemple entre chrétiens et thaïs/chinois, ces derniers travaillant souvent avec les européens.
Néanmoins, il y avait aussi certains cas de mariages entre étrangers et thaïs dans les classes supérieures, parmi les élites et la famille royale. Par exemple, le Prince Chakrabongse Bhuvanath (Prince de Bisnulok) a épousé une ukrainienne, Ekaterina “Katya” Desnitskaya, donnant naissance par la suite à leur fils le Prince Chula Chakrabongse.
Un autre exemple éloquent est celui du mariage du Prince Rangsit Prayurasakdi avec une allemande, Elisabeth Scharnberger. Ils ont eu trois enfants, deux fils et une fille, la Princesse Charulaksana Kalyani Rangsit.
En realite, il y a eu quelques exemples de thaïs issus de la famille royale qui se sont maries avec des femmes occidentales au début du XXème siècle. Par exemple, Ludmilla Ivanovna Barsukova, originaire de Russie, épousa le General Mhomjao Thongtekhayu Thongyai. Ils ont eu quatre enfants et résidaient à Hua Hin. Lady Ludmilla, qui est très probablement de descendance royale, vécue en Thaïlande jusqu’à sa mort en 1980 a l’âge de 90 ans, son nom thaï était Mhom Mali.
Dans la croyance populaire, les relations entre thaïs et farangs ont commencé à devenir plus répandues pendant les années 60 lorsque les GI américains étaient stationnés dans des bases militaires en Thaïlande. Certains soldats ont noué des relations avec des thaïes, la plupart d’entre elles venant de régions rurales et pauvres. Il y avait alors une stigmatisation sociale liée à ces relations et en conséquence les luk kreung de cette époque étaient très souvent pointés du doigt.
Malgré cette perception négative qui a perduré jusque dans les années 80, il s’avère que la Thaïlande a inversé la situation et fait de ces luk kreung des représentants de la Thaïlande moderne et du concept de ‘thaï-ite’. Par exemple, le film ‘The Siam Renaissance’ (2004) avec l’actrice franco-thaïe Florence Faivre, aborde la manière dont l’identité thaïe moderne a été intégrée et englobée dans la puissante culture occidentale.
La fascination pour les luk kreung augmente de plus en plus et il est maintenant très fréquent de les retrouver comme personnages principaux de romans, de films, de séries… Un excellent livre abordant ce sujet, ‘L’Allure Ambigüe De L’Occident Empruntes De La Colonisation En Thaïlande’ (2010), dépeint l’essor des luk krueng en tant que stars de la télé et de la pub et suggère qu’ils permettent au thaïs de repenser a la manière dont ils envisagent leur soi culturel dans un environnement mondialisé.
Ainsi, les luk krueng sont souvent présentés comme plus cosmopolites, plus mondialisés, plus modernes que leurs homologues thaïs. Cette tendance vers l’adoption complète de la culture occidentale remonte à la fin du XIXème siècle, les siamois s’adaptant très rapidement au ‘siwalai’, les “choses civilisées.
La popularité grandissante des luk kreung thaïs / occidentaux dans les feuilletons télévisés, les pubs et dans les médias de manière plus générale, montrent qu’ils jouent un rôle de plus en plus important dans le développement de l’identité nationale thaïe moderne.
Article
original : Sirinya Pakditawan