Le nombre de fabricants de cerfs-volants de Malaisie diminue dangereusement
MALAISIE : Shafie Jusoh est un inconditionnel des cerfs-volants de Malaisie, à tel point qu’il ne peut pas dormir tranquillement s’il n’en fabrique pas quotidiennement.
Culture
“J’ai besoin de fabriquer des cerfs-volants tous les jours, sinon je ne dors pas” nous explique cet homme de 69 ans. Il a commencé alors qu’il n’était encore qu’un enfant, séchant les cours pour s’adonner à sa passion.
“Si tu ne le fais pas tous les jours, tu perds ton savoir-faire” ajoute-t-il.
Shafie fit partie des derniers ‘maitres du cerf-volant’ malais qui ont dédies leur vie a donner vie a ces objets volants antiques.
Un géant coloré de deux mètres aux ailes déployées accueille les visiteurs à l’entrée du studio sombre et encombré de Shafie dans son paisible village de l’état de Kelantan.
“J’ai fabriqué celui-ci il y a 30 ans. Il faut 25 personnes pour le faire voler” nous explique l’autodidacte et nous montrant fièrement une photo jaunie de son premier envol.
Une table de bois de son studio expose les nombreux trophées et distinctions que le gouvernement lui a remis pour la promotion des cerfs-volants de Malaisie, un symbole national internationalement reconnu.
Ils se remémore particulièrement une visite à Paris pendant laquelle il avait apporté 30 cerfs-volants malais à une exposition, cerfs-volants qu’il avait vendus en un rien de temps.
“Pour les étrangers, les cerfs-volants sont uniques, et tout le monde adore ça” dit-il.
Les rayons du soleil matinal traversent sa fenêtre verdâtre, projetant leur lumière dansante sur ses bras pendant qu’il tourne et retourne son couteau, fignolant à la perfection les morceaux de bambous.
Après avoir tailler différents morceaux de bambou, il les ceintre et les attache pour former l’armature.
D’un autre côté, il découpe des motifs floraux dans des papiers de couleur, qu’il colle avec une extrême précision sur sa structure de bambou.
Puis le cerf-volant reste une journée en stand-by pour que la colle sèche.
Un ruban est ensuite attache aux extrémités, ruban qui produira un puissant “swoosh” à chaque fois que le cerf-volant dessinera des courbes brutales dans le ciel.
La fabrication peut prendre de deux semaines à plus trois mois selon la taille et le modèle désiré.
“Vous devez être à la fois passionne et patient pour fabriquer un cerf-volant” nous explique Shafie.
Il existe plusieurs types de cerfs-volants malais, avec des formes s’inspirant de raies de chats de paons… Il existe aussi un cerf-volant appelé “wau jala budi” dont la forme incurve, selon certains, est inspirée de la silhouette d’une femme.
Mais le “wau bulan” aussi appelé ‘cerf-volant de la lune’ pour sa forme en croissant, un symbole de l’islam, est le plus populaire à Kelantan.
Cela prend entre une et deux semaines pour fabriquer un “wau bulan”, qui sera vendu entre 400 et 500 ringgit (entre 3,466 et 4,333 baths), nous dit Shafie. Certains peuvent mesurer plus de trois mètres. Les plus gros modèles peuvent couter jusqu’a 9,000 ringgit (77,992 baths).
Le “wau bulan” est aussi le symbole ayant inspire le logo de la Malaysia Airlines.
De nombreux clients de Shafie sont des assidus du cerf-volant tandis que d’autres les achètent comme décorations pour leur intérieur.
Ses œuvres lui ont octroyé une réputation telle que son atelier est devenu un passage obligé pour les groupe de touristes européens ou américains visitant Kelantan.
Il requiert l’aide de sa femme Wan Enbong Wan Deraman lorsque le nombre de commande devient trop important. Lors du festival annuel de cerf-volant son carnet de commande explose, de nombreux étudiants achetant ses œuvres.
“Mes étudiants adorent ces cerfs-volants traditionnels pour le savoir-faire historique de leur fabrication et le talent que cela implique” nous confie un professeur.
Même si la population de Kelantan, région connue et réputée pour ces cerfs-volants, continue de plébisciter ces cerfs-volants malais, l’intérêt disparait peu à peu.
Des craintes apparaissent sur le fait que ce savoir ancestral, transmis de générations en générations disparaisse.
“Il faut de très nombreuses années pour maitriser la fabrication de cerfs-volants, et la situation est telle à Kelantan et ailleurs que très peu d’artisans possèdent encore ce savoir-faire traditionnel” explique Pauline Fan, directrice créative de Pusaka, une organisation de protections des arts malais.
Elle nous avertit, “C’est très compliqué et la plupart des jeunes ne possèdent pas la patience nécessaire... une fois les maitres et leur savoir disparu, il sera impossible de le retrouver”
Concernant Shafie, il n’a pas du tout l’intention de s’arrêter et espère qu’il lui reste du temps pour transmettre ses connaissances a d’autres.
Il termine, “Des élèves, certain venant d’autres régions, sont venu me demander de leur enseigner cet art”
Article original: AFP